Journaliste depuis plus de
20 ans, dont six à l’Agence France-Presse (AFP), Dr Youant est
enseignant-chercheur à l’école de journalisme de l’Institut des sciences et
techniques de la communication (ISTC Polytechnique) à Abidjan. Fondateur en
2006 et directeur général de l'agence de presse ALERTE INFO, celle-ci a été
nominée et désignée le 26 novembre dernier meilleure agence de presse numérique
de Côte d'Ivoire par le réseau des professionnels de la presse en ligne de Côte
d'Ivoire (REPPRELCI) pour le prix Samba Koné. Pour Dr Youant, ce énième prix
remporté par son entreprise est une « légitimation » du travail
accompli par lui et ses collaborateurs, dans une interview accordée à ALERTE
INFO.
Quels sentiments vous animent en tant que directeur général de la
meilleure entreprise de presse numérique de Côte d'Ivoire ?
C’est un sentiment de fierté. Ça fait 15 ans que
l'entreprise existe et en 15 années ça nous fait le 3ème prix, la 3ème
distinction que l'entreprise remporte. La première en 2016 à Paris, le second
prix francophone de l'innovation dans les médias, la deuxième c'était en 2019
le premier prix d'excellence pour le développement des médias en Côte d'Ivoire
accompagné d'un chèque de 10 millions FCFA et le troisième en 2021 avec le prix
Samba Koné de la meilleure entreprise de presse numérique de Côte
d'Ivoire avec un chèque d'un million FCFA. C'est un sentiment de fierté
d'autant plus que je considère les prix comme étant non pas, l'aboutissement
d'un travail, mais une légitimation de ce que nous faisons. Les prix vous
permettent d'être légitimes, les prix vous permettent de gagner plus en
crédibilité et c'est donc cet aspect des choses que je vois et qui me satisfait
le plus en fait.
Vous avez fondé l'agence ALERTE INFO en Octobre 2006 soit 15 années
d'existence. Beaucoup de personnes ont envie de savoir comment l'aventure
d'ALERTE INFO a commencé.
Nous avons commencé en 2006 à Treichville et
c'était avec 4 ou 5 personnes et cette aventure on le dira a commencé par
l'envie de changer le mode d'information du public. Avant 2006, le public pour
s'informer allait vers l'information en achetant un journal, en allumant la
télévision ou un poste transistor pour écouter la radio mais nous à partir de
2006 nous avons voulus inverser les choses en faisant en sorte que l'actualité
se déplace vers le consommateur, vers le lecteur, vers le public pour
s'informer. Le canal qui était le plus adapté pour nous à cette époque-là c'est
le SMS qui permet donc à nos abonnés à nos clients de recevoir l'actualité en
temps réel et c'est comme cela à partir de cette idée nous avons créé ce média
et qui a multiplié les services, les innovations et qui a tenu même si c'est
très difficile pendant 15 ans.
Vous aviez déjà remporté en 2016 le second Prix OIF de l'Innovation dans les
médias, puis en août 2019 le Prix national d'Excellence pour le développement
des médias et hier vendredi le prix Samba Koné de la meilleur agence de presse
numérique, quel est ou quels sont vos secrets pour exceller dans ce milieu?
En termes de secret il n'en y a pas. La réussite
et l'échec ont deux chemins parallèles. Ceux qui réussissent ont des traits
communs, ceux qui échouent aussi ont des traits communs. Nous, nous voulons
réussir et donc la volonté de réussir nous amène à éviter le chemin de l'échec.
Comment? En étant rigoureux dans le travail, en essayant de travailler selon
des normes et des standards internationaux, en essayant de faire ce métier
selon les règles tout simplement sans dévier. C'est vrai qu'il arrive par
moment que le contenu ne soit pas à la hauteur de nos espérances mais le
principe demeure le même qui est de porter, de donner une information
rigoureuse, une information sans passion, une information juste, une
information vraie et c'est ce que le public attend en réalité. En termes de
secret c'est donc le travail, l'abnégation dans le travail, la rigueur et puis
la discipline dans le travail que nous faisons et la régularité aussi. Celle-ci
n'est pas simplement individuelle, elle est aussi collective. La régularité
c'est de faire la même chose très bien pendant des années, rester au top. Ce
n'est pas évident. Il y en a qui commencent très fort et qui finissent en dents
de scie. Il y en a qui déclinent carrément au bout de 2 ou 3 ans mais le plus
difficile c'est de rester régulier, de maintenir cette régularité et c'est ce
qui nous a permis aujourd'hui de continuer à exister et de continuer à glaner
des lauriers.
Est-ce vous envisagez en plus du numérique faire dans la presse
"papier" avec les journaux traditionnels?
Non, la tendance est plus inverse. Ce sont les
journaux papiers qui essaient d'aller vers le numérique. Nous restons dans la
pure tradition de l'agence de presse que ce soit dans le contenu texte, le
contenu vidéo, le contenu photo, le contenu audio, nous restons dans la pure
tradition de l'agence de presse qui est un fournisseur de contenu en réalité,
qui produit et qui vend du contenu à d'autres médias. Si nous voulons faire un
média papier ça sera encore en version numérique parce qu'il s'agira pour nous
de vendre du contenu via des PDF.
Votre agence de presse a aussi la particularité d'avoir ouvert des
succursales dans cinq autres pays d'Afrique, comment êtes-vous arrivez à cela?
Aujourd’hui nous sommes dans 4 pays principalement
trois qui fonctionnent très bien, le Cameroun qui est encore brinquebalant mais
nous allons essayer de rectifier cela. Mais c'est juste lié à une stratégie
managériale. Celle-ci consiste à dupliquer nos réussites ailleurs sous d'autres
cieux, à exporter ce que nous faisons déjà ici en Côte d'Ivoire donc c'est
cette stratégie managériale qui nous a amené à ouvrir des succursales et je ne
pense pas que ce soit les dernières succursales. L'entreprise je pense le
moment viendra, va ouvrir certainement au Togo, au Bénin, on va envisager cela
mais c'est toujours dans la politique managériale de l'entreprise de
s'exporter, de faire à l'étranger ce qu'elle fait ici en Côte d'Ivoire et cela
a l'avantage en tant que fournisseur de contenu d'avoir un contenu beaucoup
plus diversifié, large et surtout d'avoir aussi une clientèle qui vient de
divers horizons que ce soit de la Côte d'Ivoire ou de l'étranger donc voici en
réalité le fondement de cette stratégie d'implantation un peu à l'étranger. Et
puis quand on est une agence de presse, l'une des caractéristiques, l'une des
forces d'une agence de presse c'est sa couverture géographique. On ne peut pas
être une agence de presse et être cantonné dans un seul pays, dans un seul
endroit. Soit vous couvrez le pays dans lequel vous êtes soit vous couvrez
d'autres contrées de la région continentale dans laquelle vous êtes, nous on a
choisi la deuxième option qui est de couvrir certains pays de l'Afrique.
Est-ce que vous envisagez vous implanter dans des pays anglophones ?
Oui, cela aussi fait partie des objectifs de l'entreprise.
Nous sommes unilingues pour le moment. Notre langue de travail c'est le
français mais il arrivera forcement un moment où nous allons nous implanter dans des pays anglophones parce que dans
le développement de la vidéo, des contenus audiovisuels que nous essayons de
faire depuis cette année nous allons envisager de nous implanter dans les pays
anglophones pour aussi avoir du contenu d'actualité de ces pays là . Nous
allons donc passer d'une seule langue de travail à au moins deux langues parce
que l'anglais c'est quand même la langue internationale qui est parlée dans
tous les pays. Travailler qu'avec le français est un peu un handicap et c'est
un handicap que nous envisageons corriger à terme. Pour terminer sur la politique d'implantation de l'entreprise dans les
pays, nous ne cherchons pas en fait à aller dans tous les pays. Deux zones
géographiques nous intéressent particulièrement à savoir l'Afrique de l'ouest
et l'Afrique centrale. L'Afrique de l'est, l'australe australe, l'Afrique du nord
et tout ne nous intéressent pas. Ce qui nous intéresse le plus c'est l'Afrique
de l'ouest qu'elle soit francophone ou anglophone et l'Afrique centrale qu'elle
soit francophone ou anglophone. Pour le moment, vu que nous sommes dans un pays
francophone, nous nous installons là où c'est plus facile de travailler avec
notre langue de base qui est le français mais après il n'est pas exclu que nous
envisageons d'autres pays anglophones.
Pensez-vous à ce jour avoir atteint vos objectifs? Si non que
reste t il à faire ?
Nous n'avons pas atteint nos objectifs. Déjà nous
n'avons pas encore la couverture géographique souhaitée, nous ne travaillons
pas dans les deux langues souhaitées et puis d'un point de vue de la croissance
même de l'entreprise nous sommes encore une PME alors que dans les objectifs
c'est d'être une grande agence de presse qui est implantée dans au moins une
dizaine de pays et qui travaillent au moins en deux langues à savoir le
français et l'anglais donc les objectifs ne sont pas atteints mais je veux dire
que nous sommes sur le chemin. vivre et travailler pendant 15 ans sans soutien
financier, sans prêt bancaire, sans aucune forme de subvention et tout c'est
quand même assez rare pour un média dans un secteur aussi précaire donc nous
pensons avoir fait le plus difficile. Aujourd’hui l'entreprise a de la valeur,
elle a une renommée, , l'entreprise est devenue une marque donc c'est à nous de
l’exploiter pour passer le cap de la petite entreprise que nous sommes
aujourd'hui , la PME à une grande entreprise qui est dans ses propres locaux ,
qui est dans une dizaine de pays comme je l'ai dit tantôt et qui a un effectif
assez étoffé . Je pense que nous sommes sur le chemin qui pourrait Dieu voulant
avant les 20 ans d'ALERTE INFO nous permettre de combler ses objectifs.
Quels conseils pouvez-vous donner à toutes les nouvelles agences de presse
œuvrant dans le numérique ?
C'est plutôt un partage d'expériences et non des
conseils. Je peux énumérer trois points. Le premier point il s'agit des
promoteurs eux-mêmes. Quand on est promoteur d'un média il faut comprendre que
la réussite et l'échec du projet découle à 60 ou 70% de l'entrepreneur que nous
sommes. C'est notre manière d'agir, d'envisager les choses qui peut amener le
projet à la réussite ou à l'échec, surtout à l'échec. Le deuxième élément c'est
le fait de très bien maitriser l'environnement économique dans lequel évolue
les médias, maitriser cet environnement revient à analyser le marché, à savoir
si les entreprises qui sont là sont déjà viables ou non, comment est-ce
qu'elles vivent avant de se lancer. Le dernier élément c'est de constituer une
vraie équipe parce qu'aujourd'hui on ne peut rien faire seul il faut des hommes
et des femmes qui comprennent le projet, qui en fassent le leur et qui accompagnent
le promoteur dans son ambition. Ca aussi passe par le promoteur qui est obligé
de ne pas mettre ses intérêts en avant, de prendre plus soin de ces
collaborateurs, de privilégier ceux-ci et je pense qu'en retour ils permettront
à l'entreprise de progresser. Voici les trois éléments que je peux partager
comme expérience pour ceux ou celles qui souhaiteraient se lancer dans
l'entreprenariat des médias surtout.
Auteur : Cédric Allangba
Mots clés : Interview
Taille : 3.12 Mb
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